OUPS, RATÉ ! LES 12 ERREURS LES PLUS COMMUNES DERRIÈRE LES « ÉCHECS » DES LABORATOIRES D’INNOVATION

Ceci est une traduction de l’article en anglais « The Devious Rozen : 12 fallacies behring innovation lab failures » publié le 13 mai 2024 par Benjamin Kumpf et Bruno Monteiro (OPSI/OCDE). Traduit par Stéphane Vincent, la 27e Région.

Les temps sont durs. Les gouvernements du monde entier doivent trouver des moyens pour s’adapter à une évolution de plus en plus rapide, de dépasser les contraintes des approches traditionnelles et de tirer parti de l’innovation pour améliorer les politiques et les services publics. Depuis une vingtaine d’années, de nombreux gouvernements ont cherché à faire progresser l’innovation en créant des laboratoires d’innovation dans le secteur public. Dans notre premier article, nous avons décrit les principaux objectifs et enseignements des laboratoires d’innovation publics. Dans le présent article, nous évoquerons les raisons pour lesquelles de nombreux laboratoires ont échoué et, vraisemblablement, un grand nombre d’entre eux échoueront encore.

Notre analyse est fondée sur l’examen et les conclusions portant sur un panel de laboratoires d’innovation publique couvrant 137 cas dans 37 pays et quatre organisations internationales, ainsi que sur nos propres expériences directes et nos conversations avec de nombreux innovateurs du secteur public. Ce blog reflète également une analyse approfondie de la recherche sur les expériences des laboratoires d’innovation publique à travers le monde.

Le débat sur l’échec des laboratoires d’innovation du secteur public n’est pas nouveau ; l’essor et la chute des laboratoires ont fait couler beaucoup d’encre. La fin d’un laboratoire n’est pas toujours synonyme d’échec, certains peuvent se transformer en nouvelles unités ou laisser un héritage institutionnel et culturel comme prévu, tandis que d’autres peuvent évoluer vers des unités spécialisées dans l’innovation et la technologie. Les échecs apparents sont des occasions extrêmement importantes de corriger les préjugés et les hypothèses préalables, d’intégrer les enseignements, de renforcer les approches existantes et d’ajuster les trajectoires prévues pour la conception et la mise en œuvre des laboratoires. Le présent billet vise à nourrir ce débat en partant d’exemples concrets d’équipes ayant réussi à déjouer les pièges les plus courants.

Nous avons regroupé les 12 raisons pour lesquelles les laboratoires du secteur public échouent en quatre types de défis, qui sont tous interdépendants. Souvent, ces échecs apparaissent comme des erreurs et des pièges dissimulés sous de bonnes intentions et de mirifiques perspectives. Ces erreurs ne sont ni inévitables ni insolubles. C’est pourquoi nous avons partagé des exemples concrets d’approches utilisées par des laboratoires d’innovation du monde entier pour prévenir ou contrecarrer les conséquences néfastes potentielles.

Le défi de l’adoption

Les laboratoires gouvernementaux cherchent généralement à conduire des changements au sein de l’administration et de l’institution. Il s’agit d’abord de tester de nouvelles méthodes de travail, y compris l’utilisation de technologies émergentes et de solutions numériques, puis d’encourager l’institutionnalisation de ce qui s’est avéré être un avantage comparatif. Nous mentionnons ce défi en premier car il est le plus directement lié à la notion de cycle de vie du laboratoire lui-même ou d’un centre d’intérêt spécifique d’un laboratoire, tel que le travail avec des approches ou des technologies spécifiques. Certaines approches ou solutions qu’un laboratoire cherche à tester et à généraliser peuvent finir par devenir un nouvel outil dans la boîte à outils d’un gouvernement, à condition que les équipes y prêtent attention :

  1. L’erreur « Montrer beaucoup, collaborer peu ». La plupart des laboratoires sont soumis à des pressions pour obtenir des résultats rapides. Cela se traduit souvent par une focalisation sur des projets opérationnels initiés et gérés par l’équipe du laboratoire elle-même. Il est important de conduire ces projets à vocation de démonstrateurs, à condition toutefois qu’ils cohabitent de façon équilibrée avec d’autres projets menés de façon plus collaborative avec d’autres parties de l’organisation. Cette même pression à produire des résultats rapides et visibles peut expliquer pourquoi certaines équipes tombent amoureuses de la solution et non du problème : une trop grande importance accordée aux solutions peut détourner l’attention des besoins des utilisateurs, qu’il s’agisse de citoyens, d’entreprises ou d’agents de la fonction publique. Après tout, les laboratoires d’innovation ont pour mission d’apprendre de nouveaux mouvements, pas seulement d’améliorer les vieilles habitudes. Le Public Policy Lab de New York, par exemple, s’associe par défaut avec des agences gouvernementales et des prestataires de services pour soutenir la refonte des services publics. L’équipe complète le travail avec les élus et les prestataires de services en faisant appel aux citoyens, en particulier aux personnes ayant un accès limité aux besoins de base et à celles qui ne sont pas bien représentées aux postes de pouvoir. Le Centre pour l’innovation dans les services publics d’Afrique du Sud travaille également dans le cadre de partenariats par défaut afin de soutenir les entités gouvernementales dans la refonte des services publics.
  2. L’erreur « Il faut d’abord changer les mentalités ». Il est difficile de trouver quelqu’un qui ne soit pas d’accord avec l’importance de changer les mentalités dans le cadre d’un effort plus large de changement organisationnel. Mais cela pose au moins deux problèmes majeurs. Premièrement, nous demandons gentiment au lecteur ce qu’il ressentirait si quelqu’un l’abordait en lui disant directement qu’il doit changer d’état d’esprit. Notre hypothèse : pas si simple que cela ! La réactivité est un concept bien établi, et il est surprenant de voir combien de laboratoires font du point de vue du changement d’état d’esprit un élément clé de leur communication. Ici, il faudrait « montrer, ne pas dire ». GNova, au Brésil, a créé CoLabs, un programme d’accélération et de mentorat destiné à accélérer et à encadrer les équipes des laboratoires d’innovation, en permettant un processus d’apprentissage entre pairs au sein des équipes participantes et la réutilisation de la longue expérience accumulée au cours des dernières années. Deuxièmement, l’accent mis sur les mentalités suggère que les décisions individuelles peuvent entraîner un changement transformateur au sein des institutions du secteur public. Les règles et les normes explicites et informelles, ainsi que les systèmes d’incitation et d’autres composantes des cultures organisationnelles, façonnent toutefois les comportements et, à leur tour, les mentalités. En outre, « il existe une tension entre les idées d’innovation publique et le contexte politico-économique hégémonique dans lequel les laboratoires ont été créés. Fonctionnant dans un modèle basé sur des choix rationnels et pragmatiques, ils risquent de préserver plutôt que de remettre en question les conditions historiques qui perpétuent les problèmes structurels. Cela est particulièrement vrai pour des questions telles que le racisme et l’inégalité sociale », comme l’écrit l’excellent ouvrage « Life Cycles of Innovation Labs » (Cycles de vie des laboratoires d’innovation).
  3. L’erreur du « Club des personnes cools ». Il ne s’agit pas seulement d’installer des poufs et d’élire domicile dans un environnement éloigné ou très différent des autres. Cette erreur influence également les décisions d’embauche : pour apporter une nouvelle expertise et un nouveau dynamisme, on fait souvent appel à des innovations extérieures. Mais il est peu probable que des nouveaux venus ayant peu de poids et d’expérience dans le vaisseau-mère parviennent à remettre en question et à changer les méthodes de travail des vétérans du secteur public. Trop souvent, ces nouveaux venus ne sont pas suffisamment préparés aux processus longs et fastidieux et à la lenteur du changement. La leçon à tirer n’est pas d’éviter de faire appel à une expertise extérieure, mais de bien équilibrer l’équipe entre ceux qui connaissent l’organisation, qui ont de bonnes relations, qui aiment et veulent travailler sur le changement organisationnel, et les nouveaux venus. Enfin, la plupart des laboratoires et pratiques d’innovation créent des communautés, y compris des membres du personnel qui ne font pas partie de l’équipe immédiate. C’est une excellente chose, mais un petit nombre de personnes a créé une dynamique contre-productive du type « soit vous êtes dans le cercle intérieur, soit vous en êtes exclu ». Faire partie du cercle restreint des principaux innovateurs et leaders d’opinion peut être très motivant pour ceux qui sont « admis », mais gravement aliénant pour ceux qui cherchent à apporter des changements significatifs et qui sont constamment mis à l’écart. L’équipe du LabX est composée de membres recrutés à l’extérieur, susceptibles d’apporter des perspectives différentes et de remettre naturellement en question le statu quo, ainsi que de fonctionnaires ayant une longue carrière et incarnant les valeurs du service public. Cette combinaison permet à l’équipe de s’orienter dans les méandres de l’administration publique et de s’assurer que le laboratoire est à l’écoute des défis et des aspirations des fonctionnaires.

Le défi de la démonstration

Innover dans le contexte du secteur public et de l’impact social est avant tout un processus aux caractéristiques particulières. Il n’existe pas un processus d’innovation unique, mais plutot un réel besoin de présenter les différentes façons dont l’innovation peut se développer, au-delà des récits mythiques et des méthodologies habituels de la Silicon Valley. Ce qui semble être vrai pour les laboratoires du secteur public à travers le monde, c’est que la totalité des processus d’innovation gagnent à être abordés avec rigueur et détermination. Une « carte blanche » totale à l’innovation peut entraîner un manque de concentration sur les résultats envisagés, les domaines de travail et les processus eux-mêmes. L’innovation n’est pas une fin en soi ; elle a besoin d’une structure et d’une direction.

  1. L’erreur du « Fruit à portée de main ». La nécessité de présenter rapidement les premiers résultats pour prouver sa propre valeur, la pression des sponsors (politiques) d’un laboratoire et la multitude de besoins urgents des citoyens conduisent trop souvent à se concentrer sur le travail qui peut produire des effets tangibles dans un court laps de temps. Planifier des résultats qui peuvent être atteints dans un délai relativement court n’est bien sûr pas négatif en soi. Mais un laboratoire devrait également disposer d’un portefeuille bien équilibré à cet égard. La plupart des processus de changement prennent du temps ; pour que les innovations soient mises à l’échelle, il est raisonnable de calculer une période de dix à douze ans. De tels horizons dépassent de manière réaliste le cycle de vie d’un laboratoire et les équipes doivent planifier dès le départ la manière de trouver des relais. Lorsque le laboratoire d’accès à l’information (a2i) a été créé au Bangladesh en 2008, l’équipe a cherché à combiner l’encouragement de l’innovation ascendante et l’obtention d’un soutien descendant pour les changements politiques nécessaires, en particulier pour aider à mettre à l’échelle des solutions viables. Il y avait une pression évidente pour obtenir des résultats rapidement et l’équipe s’est judicieusement concentrée sur des gains à court terme tels que l’engagement des fonctionnaires dans une formation à l’innovation et à l’empathie pour ensuite co-développer de nouvelles solutions pour la prestation de services publics, tout en formulant sa vision à moyen et long terme : réduire le temps, le coût et le nombre de visites requises par les citoyens pour accéder aux services. Depuis sa création, cette combinaison a permis aux citoyens d’économiser plus de 30 milliards de dollars, près de 20 milliards de jours de travail et 13 milliards de visites au cours de la seule dernière décennie, grâce à une prestation plus efficace des services publics. Aujourd’hui, elle s’est transformée en programme « Aspirez à innover » de l’agence pour l’innovation.
  2. L’erreur « Quelqu’un, n’importe qui, va s’en emparer ». Chaque équipe qui travaille sur une innovation ayant un impact public et social doit se poser la question suivante : « Quelle est notre vision d’un impact durable et inclusif ? Quel sera l’impact de la solution dans dix ans ? Qui la mettra en œuvre, comment sera-t-elle financée : quel est le modèle d’entreprise ? » Trop souvent, les innovateurs et leurs bailleurs de fonds partent du principe erroné que les innovations ou les projets qu’ils soutiennent se développeront organiquement parce que quelqu’un, n’importe qui, s’en emparera et s’en servira. Cela va de pair avec la dynamique de la « prochaine grande idée », qui conduit à poursuivre des projets ponctuels pour une durée limitée, laissant les innovations en rade faute d’une vision à plus long terme et de capacités et de ressources adéquates pour une mise à l’échelle durable. En lien avec l’Etat et des acteurs de l’économie sociale et solidaire, la 27e Région en France a imaginé des moyens de soutenir la réplication et la diffusion en combinant des stratégies d’approfondissement (« scale deep »), de diversification (« scale out »), de diffusion géographique (« scale up »), de fertilisation ou mise à disposition dans une logique d’innovation ouverte (« scale accross »), de coopération (« scale together ») ou encore de fusion d’initiatives similaires (« scale by mixing »)
  3. L’erreur « Créez-le et ils viendront ». Dans les cas où les laboratoires sont en mesure de démontrer l’avantage comparatif de faire des affaires différemment, beaucoup ont recours à la création de boîtes à outils pour permettre à tout le monde de s’appuyer sur leurs expériences. Les interventions de renforcement des capacités, y compris les formations et les boîtes à outils, peuvent jouer un rôle positif en dotant le personnel et les partenaires des capacités nécessaires pour innover, mais cela reste généralement un travail isolé dans des îlots d’excellence. Les laboratoires qui réussissent s’attachent à intégrer des conseils sur la manière de faire les choses différemment dans le contenu normatif de leur organisation, c’est-à-dire les règles et les règlements qui régissent la manière dont le travail est effectué.  Le laboratoire d’innovation du gouvernement chilien a élargi son approche, passant de la fourniture de services de conseil à l’ensemble du gouvernement et de la formation des partenaires aux méthodes d’innovation à l’intégration d’orientations sur des méthodes éprouvées de co-conception, de prototypage et d’expérimentation dans la réglementation officielle.

Le défi de la main-mise politique

Les laboratoires ont besoin d’un soutien et d’une couverture politiques ; ils ont besoin de financements et de sponsors. Pourtant, si la survie du laboratoire d’innovation dépend principalement du patronage politique, alors la fin est généralement proche.

  1. L’erreur du « nous avons un sponsor principal ». Les équipes des laboratoires dépendent souvent trop d’un sponsor de haut niveau, qu’il s’agisse d’une personne nommée par le pouvoir politique ou d’un haut fonctionnaire. Compte tenu des cycles électoraux et des mouvements de personnel, ce type de parrainage peut disparaître rapidement ou donner l’impression que les laboratoires sont des « projets de prédilection » inscrits dans les agendas individuels. Les équipes qui réussissent investissent souvent dans des tactiques de gestion des relations et s’assurent le soutien de divers sponsors de haut niveau, créent de solides réglementations institutionnelles (par exemple, une ordonnance gouvernementale) ou intègrent le laboratoire dans le fonctionnement d’agences et d’organismes publics « neutres » qui assurent la clarté de l’objectif, la durabilité dans le temps et la transparence des obligations et des droits relatifs à leur fonctionnement habituel. Au Brésil, le LabHacker a trouvé sa place à la Chambre des députés, créant des initiatives qui engagent des législateurs de tout l’échiquier politique, des citoyens et des fonctionnaires de l’ensemble du gouvernement.
  2. L’erreur de « courir sans bouger ». Les laboratoires doivent prendre des décisions difficiles quant aux défis sur lesquels ils concentrent leurs ressources souvent limitées. Si les domaines d’intervention correspondent principalement aux projets de prédilection des programmes ou stratégies gouvernementaux, le risque d’un arrêt soudain de ces activités en cas de changement de direction politique est énorme. Les laboratoires sont accaparés par les procédures administratives et les opérations quotidiennes au sein de l’organisation. D’autres fois, les équipes s’enferment dans un domaine ou une approche technique par leur propre volonté, agissant par entêtement méthodologique et sans envisager d’autres voies ou, au moins, sans mettre à jour leurs activités et leurs stratégies en fonction de l’évolution de l’environnement. Les laboratoires qui réussissent sont capables de naviguer entre ces pressions politiques et d’établir des priorités dans des domaines susceptibles de faire l’objet d’une attention soutenue. Le Centre australien pour l’innovation sociale (TACSI) a rendu publique sa stratégie pour la période 2022-2027, qui consiste à faire passer l’innovation « de la marge au courant dominant ». Cette stratégie a été motivée par la nécessité de faire le point sur l’impact des années COVID-19 et de tirer parti de ces enseignements pour mettre en œuvre une approche adaptée à l’avenir.
  3. L’erreur du « là où nous sommes, c’est le plus important ». Ce n’est peut-être pas uniquement lié à la pression exercée par les sponsors politiques, mais dans certains cas, c’est le cas. Si un laboratoire a une mission nationale, il doit décider où placer ses principales activités. Les équipes de laboratoire qui réussissent s’aventurent hors de la capitale, elles font participer les fonctionnaires et les citoyens à la périphérie. Non pas que le même laboratoire doive être présent partout. Les laboratoires ont toutefois intérêt à adopter des approches distribuées pour s’assurer que les différentes régions, segments d’écosystème et communautés trouvent un moyen d’exprimer leurs défis et leurs ambitions. Les réseaux de laboratoires, coordonnés conjointement ou par un conservateur spécifique, peuvent être très utiles à cet égard. Le réseau national de laboratoires d’innovation du Pérou rassemble plus d’une centaine de laboratoires du secteur public, du secteur privé, de l’université et de la société civile, partageant les bonnes pratiques et permettant des conversations fructueuses qui franchissent les barrières. La coordination du réseau est placée au centre du gouvernement, ce qui lui permet d’englober tous les secteurs de l’administration publique.

Le défi de la communication

Dans la plupart des organisations du secteur public, y compris dans celles où les dirigeants l’encouragent activement, il y a un manque de clarté sur l’innovation : pourquoi, qu’attend-on exactement de moi et comment puis-je innover ? Les personnes qui travaillent dans le secteur public et le secteur du développement sont généralement motivées de manière intrinsèque pour obtenir des résultats, pour faire la différence. En outre, ils sont généralement surchargés de travail, disposent de peu de temps et doivent tenir compte d’un certain nombre d’exigences, telles que l’inclusion sociale et la soutenabilité de leurs activités sur le plan écologique. Il est donc essentiel de clarifier la manière dont les personnes occupant différentes fonctions peuvent mettre l’innovation en pratique.

  1. Le défi du « récit de la proposition de valeur ». Un certain nombre de laboratoires communiquent assez bien ce qu’ils font en faveur des publics bénéficiaires. Pour ce faire, il est nécessaire de disposer d’indicateurs clairs et convaincants qui mesurent les progrès et les succès à différentes étapes du parcours de l’innovation. Certains laboratoires ont mis au point des indicateurs solides et travaillent constamment à l’évolution de leurs approches en matière de suivi, d’évaluation et d’apprentissage (Monitoring, Evaluation and Learning ou MEL). Cependant, ils sont moins nombreux à investir dans l’élaboration de récits de la valeur destinés à des publics internes, ciblant les fonctionnaires et les principaux responsables de la mise en œuvre, ventilés en fonction des principales fonctions. Si la haute direction appelle à l’innovation et que le laboratoire fournit un soutien opérationnel, qu’est-ce que cela signifie pour le personnel travaillant sur des questions telles que la prestation de services sociaux, les infrastructures de transport ou les technologies de l’information ? S’attend-on à la recherche de petites améliorations progressives, ou à bien au test de méthodes radicalement nouvelles ? Ou peut-être de s’approvisionner en innovations auprès d’autres acteurs ? Les personnes travaillant dans le secteur public et désireuses de s’améliorer ont besoin de clarté. Et rien ne semble plus inutile que de leur demander de « sortir des sentiers battus », plutôt que d’obtenir des résultats et de construire des récits convaincants à partir des personnes qui ont fait le voyage. Le Staatslabor suisse en est un bon exemple : son programme de bourses d’innovation permet à l’équipe de bénéficier d’un soutien de 12 mois sous forme de bourses et d’occasions de piloter ses approches novatrices.  
  2. L’erreur du « toujours commencer quelque chose de nouveau ». Trop souvent, les laboratoires sont la proie des cycles d’engouement bien connus d’une technologie ou d’une approche spécifique. De plus en plus d’équipes le comprennent et conçoivent un portefeuille qui comprend des travaux qui sont dans le collimateur des sponsors principaux, et d’autres travaux à plus long terme et plus stratégiques. Mais beaucoup communiquent trop sur le travail qui crée le plus d’énergie : les nouvelles initiatives. Ce qui peut sembler être une entreprise dynamique pendant un certain temps, apparaît comme une équipe qui n’assure pas le suivi à moyen terme. Si aucune mise à jour n’est faite sur les initiatives passionnantes lancées il y a un, deux ou trois ans, le public du laboratoire commencera à supposer qu’elles sont mortes sans faire de bruit ou qu’une équipe plus sérieuse a fini par prendre le relais. Aux États-Unis, le 18F apporte un soutien sur mesure aux agences publiques et garantit des approches fondées sur les défis. Toutefois, il se concentre clairement sur les domaines dans lesquels il peut apporter une valeur ajoutée et son champ d’intervention est très bien défini.
  3. L’erreur « fermer un laboratoire signifie l’échec ». Certains laboratoires ont pour objectif de favoriser des approches axées sur des problèmes précis et en fonction du contexte, ou de démontrer la valeur d’une approche spécifique telle que l’analyse des comportements ou le renforcement des capacités institutionnelles. D’autres sont conçus pour poursuivre des objectifs de plus haut niveau, tels que faciliter la co-création, l’inclusion et la participation. Un certain nombre de laboratoires aux objectifs plutôt spécifiques ont atteint une grande partie de leurs objectifs et ont ensuite fermé leurs portes, mais n’ont pas su le faire savoir correctement. Toute fermeture n’est pas un témoignage d’échec, de même que tout renouvellement d’investissement n’est pas le reflet d’un travail robuste. Le Service Innovation Lab de Nouvelle-Zélande a été conçu comme une approche expérimentale et a fermé ses portes en 2020. Il conclut que « sa plus grande leçon de tout ce qui s’est bien passé, c’est que cela s’est produit lorsque les efforts ont été concentrés dès le départ sur l’établissement de relations durables et sur la construction de la confiance ». C’est la raison pour laquelle son site web reste ouvert et que les documents sont toujours accessibles à tous.

Quelles sont les erreurs qui nous ont échappé ? Nous sommes à la recherche de vos contributions et de vos expériences pour élargir notre perspective sur les laboratoires d’innovation publique. Nous vous invitons à nous faire part de vos contributions en répondant à ce bref questionnaire. 

Nous tenons à remercier tous les collègues des laboratoires d’innovation qui ont partagé avec nous, soit lors de conversations informelles, soit par le biais de commentaires écrits, les conversations et les idées qui ont conduit à ce blog : Frederic Baervoets, Camila Medeiros, Marjana Dermlj, Rui Martinho, Dora Silva, Lukas Kastner, Larisa Panait, Anca Paiusescu, Evija Taurene, Amélie Durozoy, Léa Boissonade, Fiorella Zavala, Almendra Orbegoso, Orlando Rojas, Catalina Gutierrez, Pablo Pascale et Mariana Romiti. Nous avons essayé de tirer parti de cette intelligence collective, mais toutes les opinions exprimées dans ce blog et, bien entendu, ses lacunes, relèvent de la seule responsabilité de ses auteurs.