Nous avons demandé aux participants à la démarche ce qui, dans leur parcours personnel, les a guidé vers plus de stabilisation ou de transformation, et ce qui, au contraire, a constitué des freins dans l’une ou l’autre de ces dynamiques.
Le schéma de synthèse de cet atelier fait d’abord ressortir un point commun très important lorsqu’il s’agit de penser les ressources humaines de l’innovation publique : les trajectoires sont sinueuses et fortes d’expériences formatrices dans des domaines parfois inattendus.
Si tous les participants sont passés par des études supérieures (ce qui rappelle tout de même une certaine uniformité qui pourrait être questionnée), les thématiques en sont relativement variées (sciences politiques, ingénierie, philosophie, design…). Leurs vertus stabilisatrices et/ou transformatrices sont appréciées très différemment, et ce premier cycle vécu autour de la vingtaine d’année est souvent complété par des « rencontres de l’altérité » de toutes sortes (d’un année à l’étranger à une installation en zone rurale) ayant pour point commun d’être vécues comme fortement transformatrices.
Viennent ensuite les premières expériences de projets concrets. Les travaux d’analyse marketing y sont par exemple considérés moins transformateurs que d’autres projets professionnels et/ou militants mais ce qui apparaît comme réellement différenciant, ce sont les quelques expériences et liens singuliers dont l’appréciation par les participants les fait ressortir aux deux pôles du schéma (tantôt « ancrage », tantôt « stimulation »). On y retrouve notamment des moments d’échanges et de débats de même types qui ont vraisemblablement permis à chacun de passer des caps, en stabilisant leurs savoirs, compétences, postures et en les poussant vers plus de questionnements, prise de risque.
À l’aune de ce positionnement antagoniste, on peut d’ailleurs se demander si ne transparaissent pas deux lectures différentes de la notion de transformation (qui n’avait volontairement pas été précisément définie en début d’atelier) : une lecture englobante dans laquelle se lier d’amitié, échanger, se poser des questions (y compris si cela abouti à renforcer des convictions qu’on a déjà) c’est déjà participer à transformer le monde, et une appréciation plus individuelle dans laquelle ces mêmes pratiques sont d’abord vues comme stabilisatrices.
On trouve enfin, de façon logique compte tenu du panel de participants, des trajectoires globalement portées vers la transformation, guidées par des « ressources » assez différentes : nouvelles expériences professionnelles bien sûr, mais aussi temps de respiration, réaction à un contexte plus global (national, mondial), découverte de laboratoires d’innovation, et encore acquisition d’une plus grande légitimité (ou peut-être d’un sentiment de légitimité ?). Face à cette dynamique, les freins semblent nombreux : manque de sens, orientation politique gouvernementale en décalage, new management public… Ils constituent visiblement autant de rappels à l’ordre quotidiens du besoin de modification profonde de nos fonctionnements individuels et collectifs.